Joyeux anniversaire Cristian !
Cela fait aujourd’hui une année que j’ai joué la première fois la mise en scène théâtrale de mes 27 premières années de vie. Et ça ne devait être qu’une seule fois…
Au début, je l’avais nommé 20 ans, car c’était à l’occasion de mes 20 ans d’abstinence d’alcool et de drogues.
Ce soir-là, j’ai joué devant plus de 50 personnes, que j’avais invitées, sans les informer de ce qui allait se passer. Les réactions ont été diverses. La majorité m’a dit « bravo » ou « quel talent », d’autres sont restés silencieuses. Deux personnes sont parties et je n’ai plus de nouvelles depuis.
J’ai raconté ce qu’il s’est passé de ma naissance jusqu’au jour où j’ai dit STOP à mes addictions à l’alcool et aux drogues. J’ai raconté mes souffrances, la violence familiale, mes échecs, mes espoirs, mes premières fois, les « c’était juste pour me détendre », mes hontes, mes peurs, mes voyages, mes rencontres.
Comme l’ont été quelques personnes présentes, j’ai moi aussi été secoué par l’intensité de ce qui venait d’être joué ! Les émotions, aller rechercher en moi ce que j’avais vécu ! Chez quelques personnes présentes aussi, le passé a ressurgi. Certaines personnes ne connaissaient pas cette partie de mon histoire de vie ! Certains ne m’ont pas reconnu, d’autres oui en me disant « oui, tu étais comme ça avant » !
Il m’aura fallu des semaines pour m’en remettre. Jouer, ou plutôt incarner sur scène les différents Christian et Cristian de mon passé avec le Cristian d’aujourd’hui n’est pas une mince affaire. Exercice schizophrénique j’ai l’habitude de dire et c’est comme si je faisais une sorte « d’exorcisme » chez moi et le public !
Un des commentaires que j’‘ai reçus, ce quatre novembres était « On ne lave pas son linge sale en public ! ». J’ai répondu «si je ne le fais pas, qui le fera ? ».
Mon histoire est celle de milliers de personne et c’est encore, malheureusement, l’histoire de beaucoup trop d’enfants ! Personne n’a le droit de faire du mal aux enfants ! Je m’en suis sorti ! Mais combien ne s’en sortent pas ?
Aujourd’hui, rien n’a vraiment changé ! Quand des voisins entendent des cris ou des bruits de meubles cassés, ils n’interviennent pas, espèrent que quelqu’un d’autre va appeler la police et mettent le volume de la télé plus fort pour couvrir les bruits ! Ensuite viennent les ragots quand on voit par la fenêtre les instigateurs des disputes ! Statistiquement, ce sont plus de 300'000 enfants en Suisse qui subissent les conséquences d’avoir un parent qui a des problèmes d’addiction ! Et je pense que ce chiffre est sous-évalué !
Quelques semaines après ce fameux 4 novembre, je me suis décidé à continuer de jouer ce « spectacle » et je l’ai renommé « j’ai pas de problème ! ».
J’ai pesé le pour et le contre comme on dit.
Le pour ? Pour résumer la phrase d’un ami à qui j’avais posé la question de savoir pourquoi il acceptait de continuer d’être à la technique de ce spectacle il m’a dit répondu « Si ce spectacle peut sauver une vie, on aura gagné ! ». Mon cher ami, je me souviens du moment où tu me l’as dit ! Tu étais tout sourire sur le canapé de mon salon, l’ordinateur sur tes jambes et ta réponse a été limpide ! J’en ai les larmes aux yeux chaque fois que j’y pense ! Et comme tu n’aimes pas être mis en avant, je ne te citerai pas !
Depuis une année, je fais des rencontres incroyables, allant d’êtres humains qui sont passés ou passent par où je suis passé, d’autres qui s’occupent de donner de l’aide à ceux qui en ont besoin. Merci à toutes ces personnes d’être qui vous êtes, des êtres magnifiques !
Surtout, je re-rencontre une personne que j’avais mise de côté, rangé dans un coin bien caché de mon être. C’est le petit Cristian. Aujourd’hui, je lui montre que je m’en suis sorti, je l’accompagne, je lui montre que non, tous les gens ne sont pas méchants ou menteurs. Je lui enseigne tout ce qu’il a voulu apprendre.
Aussi, j’apprends à m’aimer et à aimer ! Ça peut sembler « bête », à 48 ans, de commencer à m’aimer ! Mais non, c’est tout sauf « bête » ! On pense savoir, on avance, on fonce et on oublie, parfois, ce que l’on a vécu ! Un jour, une situation nous fait sortir de nous, ou plonger dans un état que nous ne connaissions pas auparavant mais qui nous rappelle de vieux souvenirs. Avant je les noyais ou les enfumais, aujourd’hui, quand j’arrive, j’en parle, sans honte, à ceux qui me sont proches (merci infiniment de la patience que vous avez à mon encontre).
En parler c’est s’aider ! En parler, c’est aussi dire aux autres « Tu n’es pas seul, moi aussi j’ai vécu ça » ! Quel bien ça fait de ne pas se sentir seul ! Malgré l’hyperconnectivité que cette époque connait, le flux incessant d’informations, il n’y a jamais eu autant de solitude, de dépressions, une consommation excessive d’anti-dépresseurs sous forme de médicaments (drogues légales), d’alcool, d’autres drogues, d’addiction aux écrans, jeux d’argent et j’en passe.
J’en parle, sur une scène de théâtre ou au cabinet avec mes patients, ouvertement, en toute transparence. Oui, ce n’est pas facile, par moment, d’affronter qui nous sommes réellement au fond de nous et d’aller parler à son passé. Qu’on le veuille ou pas, notre passé nous conditionne, nous façonne, c’est un fait ! On peut aller comprendre et corriger tout ça. En le faisant, j’ai peut-être, comme on dit, perdu des amis, des proches ! J’ai surtout gagné en qualité dans mes relations, à commencer par moi ! J’ai la certitude que ça en vaut la peine, j’en ai la preuve tous les jours ! C’est possible, tout est possible ! Le pouvoir de changer est en chacun de nous, pas à l’extérieur de nous !
Et toi ? Tu en es où avec cet enfant qui est en toi ? As-tu commencé à l’écouter ?
Bravo